Nous publions aujourd’hui un article anonyme extrait de La petite revue du 22 juillet 1865, qui vient compléter notre article « Cham chez lui ». Un moment d’intimité de Cham saisi au vol! Bonne visite.

Il habite au premier, rue Vintimille, un appartement dont l’ameublement et la décoration révèlent à la fois les goûts du grand seigneur et ceux de l’artiste. Antichambre orné de tableaux et de gravures. Salle à manger dont la pièce principale est une superbe pendule Boulle du plus beau style; riche buffet en chêne sculpté où se dressent les services en vaisselle plate et en vieux Sèvres; dans les encoignures, petites tables aussi en chêne sculpté, chargées de menus objets artistiques. Sur les murs, deux curieux tableaux chinois rapportés à Mme de Noé par M. de Lagrenée, ancien ambassadeur en Chine.

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Une oeuvre du peintre Van Blarenberg

A droite de la salle à manger le salon, richement meublé : coupes de Sèvres, cristaux de Saxe et de Bohème, pilastres en majoliques florentines, buffets en bois de rose tout pleins d’objets de curiosité, riches jardinières dans les embrasures des croisées, un magnifique tableau de Ribeyra, deux aquarelles de Blaremberg, etc. A côté, les appartements de Mme de Noé.

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Une gravure que non avons déjà publié dans « Cham chez lui ». On y retrouve l’ambiance et les éléments de l’article que nous publions aujourd’hui : les toiles, les statuettes, les journaux épars, l’écritoire…

Au bout de la salle à manger, petit boudoir tendu en soie gris-perle, où se trouvent des tableaux de famille, des grognards de Charlet, son ancien maître, des tableaux du maître de la maison; son portrait à vingt-cinq ans par Paul Delaroche, deux superbes eaux-fortes de Louterbourg, etc.

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Le portrait de Cham par Paul Delaroche?

Ensuite, sa chambre où s’étale, avec l’insouciance de l’art, le plus beau désordre, une pièce de serge verte tendue aux deux tiers inférieurs de la fenêtre qui donne sur le square Vintimille fait le jour. A côté de la fenêtre, un pupitre en vieux chêne où six heures par jour, Cham dessine debout, ces charges qui ont le privilège de dérider les fronts les plus soucieux, et qui sont peut-être l’histoire la plus pittoresque et la plus saisissante de notre époque.

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Une gravure de Philipp Jakob Loutherbourg

Sur les tables, les cheminées, mille objets de tous toutes sortes : c’est un vrai capharnaüm dans lequel on distingue une charge délicieuse de l’artiste faite par Dantan jeune, une autre de Louis Huart, par le même; aux murs, des tableaux de lui et d’autres, des gravures, des Carle Vernet dont Cham raffole, des journaux épars partout. Cham est l’homme le plus insoucieux du monde de ses ouvrages, et ce n’est certes pas à lui qu’il faudra s’adresser pour réunir son œuvre complète.

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Cham, « platrogaphié » par Dantan jeune » visible chez lui

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Parlons un peu de l’homme : Pour bien le connaître, il faut toujours se souvenir qu’il est comte, et appartient il une famille dont le blason est à Versailles dans la salle des Croisades. Les instincts du gentilhomme se heurtent à chaque instant à ceux de l’artiste; nous devrions plutôt dire se marient.

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Louis Huart par Dantan jeune

Avec ses amis, il est avant tout artiste, artiste sans façon, bon enfant, d’un esprit non pas pétillant, mais fin et délicat. Sa gaîté est inépuisable, mais c’est toujours une gaîté de gentilhomme qui ne se compromet pas et ne se laisse pas voir à tout propos. Il fait les charges les plus désopilantes et lance les mots les plus charmants en conservant le plus imperturbable sang-froid. II ne rit presque jamais, et ceux qui le connaissent peu ne savent souvent pas s’il parle sérieusement ou s’il plaisante. En revanche, ses yeux sont pleins d’une sorte de gaîté narquoise qui, par sa constante ironie fait trembler les plus aguerris.

Son défaut, c’est de vous faire poser. II ne tient pas à amuser les autres; il s’amuse de vous; mais le moyen de lui en vouloir ? Ses blagues (appelons les choses par leur nom) sont toujours inoffensives et ne font de mal à personne. C’est le plus charmant caractère du monde, (et bien malavisé celui qui se fâcherait de lui avoir un instant servi de plastron. Les rieurs ne seraient pas de son côté. Nous avons dit son défaut. Disons aussi sa faiblesse; il n’en a qu’une, mais poussée il ses dernières limites. Celle faiblesse, c’est son chien, un adorable havane, qui a eu les honneurs d’un feuilleton de Villemot dans le Temps, et d’un autre signé Louis Leroy dans le Charirari de mercredi dernier. « Cham s’agite, son chien le Mène » partout, au restaurant, à la promenade, en visite, au spectacle, nous ne savons pas où il ne le conduit pas; tantôt le portant benoîtement sur son cœur, tantôt le retenant au bout d’une laisse. Et à chaque instant ce sont des transes, des émotions mille fois plus vives que celles d’un débutant le soir de sa première représentation.

Publié dans : Non classé |le 29 janvier, 2008 |Pas de Commentaires »

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