Cham chez lui…
Nous ne connaissons pas précisément les adresses du caricaturiste dans ses années de jeunesse, toutefois, Félix Ribeyre, dans sa biographie, indique qu’il résida assez longtemps dans l’hôtel particulier paternel sis au n°99 de la rue du Bac. Il quitta certainement cette résidence confortable après le décès de son père survenu en 1858.
Il s’installa alors rue de Vintimille, n°24, dans un immeuble luxueux situé face à la place du même nom. Il avait pour voisin de palier son ami le musicien Charles Lecocq.
« C’est dans cet appartement de la rue Vintimille que le spirituel caricaturiste se livra à un premier essai d’élevage en chambre. Sa cuisinière avait fait l’acquisition d’un fort beau canard. Cham décida qu’il aurait la vie sauve, et, ne pouvant lui offrir une mare pour ses ablutions, il lui faisait prendre des bains dans sa cuvette.
Ce volatile aquatique se prit d’affection pour un si bon maître et le suivait partout. Cham causait avec lui comme avec un camarade, et lui donnait de sages conseils. Enfin, il n’est guère possible de transformer longtemps un appartement en une basse-cour, Cham dut se séparer de son canard. Mais il voulut du moins assurer son sort, et il s’entendit avec son marchand de lait, qui, moyennant une petite redevance, consentit à prendre comme pensionnaire à la campagne le protégé de l’artiste. Ce dernier allait le voir de temps en temps, et lorsqu’il mourut de sa belle mort, Cham se rendit chez le marchand de lait pour s’assurer que son trépas était naturel, et qu’il n’avait pas été mis à la broche. »
Comme d’habitude, Ribeyre, en bon journaliste, a dressé dans le texte ci-dessus un tableau très sympathique de cette amitié animale, négligeant de décrire Cham dans son environnement familier.
Il continue :
« Cependant, Cham n’avait pas renoncé au désir de posséder un véritable poulailler et d’entendre le chant de ses propres coqs. Il chercha donc un appartement avec jardin et trouva la réalisation de son rêve, rue Nollet, n°5, aux Batignolles, dans une maison possédant un jardin très vaste pour Paris. Il s’y installa à la fin de l’année 1867, et, à partir de ce moment, les nombreux locataires des immeubles environnants dont les fenêtres plongeaient sur le jardin de Cham purent voir le célèbre caricaturiste promener son chien plusieurs fois par jour et aller visiter ses poules et ses canards.
Cham, qui avait les bronches délicates, avait adopté pour se promener dans son jardin pendant l’hiver un costume fantaisiste dont il ne manquait jamais de s’excuser près des nouveaux visiteurs, en déclarant qu’il était « simple et de mauvais goût ». il se composait d’une paire de bottes sur lesquelles retombait une robe de chambre rouge à carreaux. Par-dessus la robe de chambre il endossait un veston, en sorte qu’il avait l’air de porter une jupe. Un chapeau de campagne couvrait sa tête. On voit d’ici l’allure étrange de Cham vêtu de cette façon héterogêne. (…) Notez que dès qu’on ouvrait la porte de la grille du jardin, Bijou s’empressait de se sauver. Cham se lançait aussitôt à la poursuite de son griffon, et les habitants du quartier assistaient au réjouissant spectacle d’un personnage étrangement costumé courant à toutes jambes pour rattraper son chien. »
En 1879, dans Le monde illustré, Pierre Véron évoquait rapidement l’univers de son ami récemment disparu : « Pénétrons dans cet appartement de la rue Nollet (…) dans cet appartement où nous passâmes près de lui tant d’heures rieuses et douces.
Cham, qui avait quelque peu les allures militaires, avait toujours professé pour la carrière des armes une prédilection qui se trahissait parfois par un regret rétrospectif.
Est-ce pour cela qu’il apportait dans tous les détails de sa vie personnelle une simplicité toute spartiate ?
Dans l’élégant et coquet logis qu’il avait orné avec un goût artistique, il habitait une petite, petite pièce de trois mètres carrés environ. C’est là que d’un côté était installé son lit de fer. Un vrai lit de campagne, de l’autre son grand pupitre de bois sculpté sur lequel il travaillait toujours debout, sans connaître la fatigue.
Au milieu, la corbeille de son chien favori, qui jouait un rôle principal dans son existence et dont il était l’esclave invariable, que le titulaire s’appelât Bijou ou Jocko. »
L’immeuble où résidait Cham existe toujours au N°5 de la rue Nollet et il garde avec ses quatre étages l’allure d’une construction du milieu du XIXe siècle. Il serait vain, par contre, de chercher le jardin où l’artiste passa tant d’heures exquises à rêvasser. Un garage-parking l’a remplacé depuis longtemps. L’entrée large, permettant le passage des voitures, n’existait pas du vivant du caricaturiste. Il semble aussi que l’accès des occupants de l’immeuble qui se fait maintenant sur la gauche ait été reporté au moment de l’aménagement du garage.
C’est là, au premier étage, que Cham vécut en compagnie de son épouse, et ce jusqu’à son décès.
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